Certifié
Paris, juillet 2012
Dans les ascenseurs, on s’ennuie, on a peur, on regarde les boutons amenant aux différents étages, que ce soit dans une gare ou dans cet hôtel. Pourrait-on trouver un meilleur endroit pour attirer le regard de passagers captifs et stressés, pour focaliser leur attention quelques instants sur une trace écrite signifiante ? On peut leur indiquer les magnifiques plats du restaurant ou les services offerts par leur lieu de résidence tels que piscine, spa, salle de travail ou wifi. Mais, ici, c’est un panneau d’une autre nature qui orne le minuscule ascenseur.
Signé par le responsable d’une entreprise sans aucun rapport avec l’hôtel, il s’agit d’un « certificat d’excellence »
attribué à ce dernier avec quatre magnifiques ronds verts sur cinq possibles. La logique d’audit s’est certes développée dans nos sociétés, mais celle-ci est bien particulière : il ne s’agit pas d’inspecteurs du guide Michelin venus attribuer un label ou d’administrations affectant des étoiles au vu des prestations effectives de l’hôtel (taille des chambres, présence d’un bain…). Jamais le signataire du certificat ou l’un de ses représentants n’a mis les pieds dans cet hôtel. Seuls des clients « ordinaires » de l’hôtel sont responsables de la note attribuée, donnant leur avis argumenté sur le site web de l’entreprise tierce qui les agrège .
Vertige de la référence mise en abyme: ce que je vois en face de moi, c’est le jugement d’une foule diversifiée, mais dont chaque individu est passé avant moi dans ce même espace étroit. Ont-ils vu ce même panneau, les a-t-il conduit à, eux aussi, donner leur avis sur leur séjour ? Vais-je moi aussi participer à cette notation et aller sur le site en question, inscrivant ainsi une trace de mon passage ? Bien loin de la singularité des écrits amoureux, vais-je décider de devenir une toute petite partie d’un certificateur ?