Suivi – 1
Clamart, mai 2025.
« Vous avez vos étiquettes ? » Parmi les tâches qui sont confiées aux usager·es des hôpitaux français aujourd’hui, la participation à l’effort de traçabilité n’est pas des moindres. De la première consultation à la visite post-opératoire, il leur est notamment demandé d’apporter systématiquement la feuille au format A4 qui leur a été confiée, remplie d’étiquettes autocollantes prédécoupées sur lesquelles figurent nom, prénom, date de naissance, sexe, date d’entrée, ainsi qu’un numéro NDA et un code barre. Et il faut dire qu’au fil des visites, cette multitude de petits stickers leur apparaîtra fort utile. Ce sont eux qui permettent à toutes formes de documents et d’échantillons biologiques circulant dans le vaste bâtiment, et probablement au-delà, d’être associées d’un simple geste à leur personne, à la fois corps humain, cas et dossier. S’ils semblent anodins, ces objets d’écriture tiennent en réalité une gageure on ne peut plus ambitieuse : faciliter la dispersion tout en évitant la désintégration.
Cela dit, ça n’est pas une immense surprise pour les scriptopolien·nes qui en savent long sur l’importance des chaînes de références, en particulier dans le monde hospitalier. Mais même chez Scriptopolis, on a tendance à oublier l’importance de cette infrastructure scripturale, en particulier quand le stress et la douleur s’en mêlent.
Il faut un peu d’invention pour faire remonter toutes ces choses au premier plan de l’expérience. Il suffit par exemple de vous inquiéter de ce que vos lunettes vont devenir à l’issue d’une intervention chirurgicale, alors même qu’elles sont restées sur votre nez jusqu’à l’entrée au bloc opératoire, pour prendre la mesure des risques de fragmentation et de la puissance de ces petits bouts de papier collants. Et rire bêtement en regardant le brancardier attraper la feuille, après un « Attendez, vous allez voir », en détacher une étiquette pour la coller sur la branche des dites lunettes, une autre sur le sac en plastique dans lesquelles il les glisse, puis deux autres encore pour fixer le sac au support rigide du dossier qui accompagnera le personnel médical pendant l’opération. Et, six heures plus tard, remercier chaleureusement l’infirmière qui vous les tend en salle de réveil.