ISSN : 2266-6060

Rome ville ouverte

Italie, avril 2011.

Il est souvent des mots qu’on préfère écrire plutôt que dire ; c’est le cas s’agissant du sentiment amoureux ; combien de déclarations sur des billets échangés, par des graffitis inscrits dans l’écorce d’un arbre plutôt que murmurés, chuchotés ? Il est aussi beaucoup plus facile de rompre par une belle lettre que dans un face à face ingérable où tout débordement vocal attirera l’attention, mettra mal à l’aise… Les tenants du développement personnel, encouragent chacun à tenir un journal intime afin d’éviter de déverser sans retenu ses états d’âme, ses petits bobos, ses névroses ; écrivez-le c’est plus hygiénique. Les Anciens préconisaient comme le rappelle Foucault l’écriture de soi et notamment des exercices d’écriture des rêves. Pouvoir de l’écrit sur le sujet écrivant mais aussi pour son entourage qui est épargné de l’insupportable part d’autrui.
Sur ce panneau placé à l’entrée d’une boutique du centre de Rome, l’écrit exposé ne résulte pas d’une pratique de soi, il n’encourage pas à écrire plutôt qu’à parler, il consiste à l’écrire pour n’avoir pas à le dire. « Ici, nous ne donnons pas d’informations », nous vendons des souvenirs, nous ne sommes pas un point d’informations touristiques. Donc, épargnez-vous/nous de la salive ! Le procédé est désagréable mais il est en définitive très efficace dans une ville où 75% des passants sont des touristes qui ne cherchent pas à aller quelque part mais finallement à errer dans les rues charmantes du Centre.
On pourrait lire cet écriteau plus positivement : « Perdez-vous ! Jetez vos cartes et guides car tous les chemins mènent à Rome Vous tomberez bien sur le Tibre, la villa Borghese ou le Forum. » Ne plus rien demander par oral, ne plus s’aider de l’écrit et s’en tenir au regard, celui qui se pose sur une façade, une ruelle, un détail… bref à la beauté, madame.



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