ISSN : 2266-6060

Épitaphe


Paris, janvier 2020.

Il faisait très froid ce matin-là quand je traversais d’un pas décidé cette petite brocante de quartier. Mon regard a été attiré par la couverture d’un ouvrage que je venais de terminer quelques jours plus tôt. Il était posé sur une table autour de laquelle plusieurs hommes âgés étaient attroupés. En m’avançant, je découvris un trésor de bibliothèque que se répartissaient les flâneurs. On pouvait encore reconstituer les étagères. Des livres et des revues de psychanalyse sur le désir jouxtaient les classiques de l’anthropologie structurale, suivis d’une belle série d’ouvrages théoriques sur l’histoire, des œuvres complètes d’Alain Badiou et de Philippe Lacoue-Labarthe et surtout une étrange collection d’écrits sur la bureaucratie. Me voilà fixé pour un temps certain, évaluant la somme d’argent liquide dans mon porte-monnaie et ma capacité à transporter une partie de ce trésor.
Les livres que je rapporte sont usés, les couvertures souvent sales et pliées, les pages sentent le tabac froid, mais je suis ému par la régularité des traits dans la marge et la beauté de la collection. En rangeant les volumes, je retrouve un nom et une date qui me mettent sur la piste du propriétaire.
Je ne peux résister à la curiosité de chercher des traces qui auraient été laissées en ligne par ce lecteur que j’ai déjà la sensation de bien connaître et atterris rapidement sur ce site répertoriant les avis de décès. J’aurais pu m’en douter, mon lecteur vient tout juste de disparaître. J’ajoute maintenant à ces deux inscriptions photographiées cette troisième, au bonheur du mort qui réside désormais un peu chez moi. Que la terre vous soit légère !



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