ISSN : 2266-6060

Cases

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Toulouse, août 2014.

Il n’est plus aujourd’hui nécessaire de rappeler que les catégories, même les plus banales, sont politiques. Batailles pour faire disparaître des formulaires et des systèmes d’information de l’administration française le terme « mademoiselle » et ceux qui lui sont associés, débats sur la place des transgenres dans les systèmes signalétiques de nos toilettes : les débats font rage depuis quelques années, jusque dans la presse traditionnelle. L’intérêt de ces discussions est double. Elles invitent d’abord à remettre en cause des différences dont l’évidence est devenue problématique. Mais elles montrent aussi clairement que ces catégories, ces différences, ne sont pas tant dans nos têtes, ingrédients d’une « culture » puissante mais invisible, que sous nos yeux.
À s’y confronter quotidiennement, on peut découvrir un autre aspect de cette politique des catégories : son caractère opératoire. Car s’il est une chose importante à retenir dans ces débats, c’est qu’ils ne relèvent pas du domaine du « symbolique » ou de « l’imaginaire ». Les catégories sous nos yeux et sous nos mains agissent, elles organisent notre monde. Prenez ces cartes réparties en trois classes d’interlocuteurs potentiels. Que font-elles exactement ? Elles se proposent de penser à notre place en nous délestant d’une petite partie de la tâche qui consiste à envoyer un courrier d’anniversaire. Elles fonctionnent pour cela comme un algorithme. Elles installent les conditions d’un choix (qui n’est pas arbitraire même s’il est frustre) et associent aux options possibles des types de cartes : dessins, couleurs, thématiques. « Si anniversaire + homme = image de sport », par exemple. Comme un algorithme, elles installent la possibilité d’un automatisme qui participera, à chaque fois qu’il sera activé, à la fabrique d’une petite parcelle d’un monde où les hommes aiment le golf, les femmes les roses et les enfants les robots.
Un monde aussi — il ne faut jamais l’oublier — où toutes ces cartes peuvent être utilisées sous un mode opératoire un peu différent : celui de l’ironie, de l’humour, de ce « second degré » que les algorithmes quels qu’ils soient ont toujours bien du mal à saisir.



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