ISSN : 2266-6060

Genre

garcons

Paris, janvier 2013.

Depuis quelques temps, la question du genre et ce que les sciences sociales en disent ont fait l’objet de toutes les attentions. Difficile de ne pas tomber dans la caricature en ces temps de débats publics véhéments, parfois insultants. Comment parler de la dite « théorie du genre » ? Sans doute d’abord en insistant sur la pluralité des approches du genre par les disciplines concernées (l’histoire, la philosophie, la sociologie, la psychologie…) et au sein même de chacune d’entre elles. Il y a pourtant un socle commun : la volonté de défaire les évidences qui, au fil du temps, ont naturalisé ce que l’on pourrait appeler un débordement de la biologie. Poser la question du genre en sciences sociales, c’est avant tout refuser que des dimensions de la vie aussi variées que les aptitudes, les goûts, les préférences, mais aussi les salaires, soient rabattues à des différences sexuelles. Autrement dit, parler de genre c’est défendre l’idée que le féminin et le masculin sont des domaines bien plus vastes et contrastés que la répartition des chromosomes ou la composition hormonale.Finalement, les discussions autour du genre, jusque sur les bancs de l’Assemblée Nationale, sont allées dans le sens de ce socle commun : elles ont montré que le genre était un objet éminemment politique.
Mais il faut se méfier des raccourcis qui fabriqueraient, dans un effet de balancier assez classique, d’autres formes de naturalité du côté du social cette fois-ci. Dans l’idée de « construction sociale » du genre, se glissent des explications parfois obscures qui ne disent pas grand chose des opérations concrètes qui participent à inscrire au jour le jour les distinctions sexuelles dans nos habitudes. C’est peut-être dans nos têtes, ou dans des structures invisibles que tout cela se joue. Mais avant de trouver les moyens de donner à voir ces mécanismes un peu magiques, il est utile de regarder aussi de près ce qui nous entoure, ce qui compose notre milieu : le langage et les objets. Plus encore qu’un catalogue, un magasin de jouets fait un parfait terrain d’expérience pour comprendre la puissance des ancrages ordinaires de ces différences. Imaginez la force qu’il faut à une petite fille pour arpenter sereinement les rayons parsemés de ces affiches qui marquent, avec le sourire, son statut d’étrangère ? Et si elle pourra toujours se raccrocher à la catégorie peu glorieuse de « garçon manqué », imaginez la position symétrique du garçon qui voudrait trouver, un étage plus bas, son bonheur.
Attention, toutefois à ne pas regarder ces affiches trop longuement, à ne pas questionner trop rudement l’organisation de ces rayons, ni les revues professionnelles du merchandising et du marketing qui offrent depuis des années leurs précieux conseils sur le sujet. Elles risqueraient de vous faire glisser de la fabrique du genre à celle du marché.



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