ISSN : 2266-6060

Débordements

Amsterdam, août 2009.

C’est au début des années 1980 que les graffiti et les tags ont fait leur apparition en Europe, en provenance des Etats-Unis. Leur présence était d’abord relativement discrète, résultat d’une poignée d’initiés, puis elle s’est faite de plus en plus massive dans les rues, sur les trains, le long des voies ferrées, des autoroutes… Les sites web qui y sont consacrés se sont multipliés au cours des années 1990 et les pages Facebook qui relatent des exploits ou exposent des spécimens, tout frais ou rappelant la bonne époque, ne se comptent plus. Cette espèce d’écriture urbaine est devenue abondante, proliférante, voire colonisatrice. Certains y voient une atteinte intolérable à la propriété privée, voire au bien public, et militent pour son éradication pure et simple. D’autres la considère comme une pollution visuelle qui doit être traitée sur le même plan que la publicité : supportable seulement à dose homéopathique dans des lieux prédéfinis et selon des formes encadrées.
C’est par exemple le cas ici, dans cette banlieue d’Amsterdam, où tout un espace est spécialement réservé sur plusieurs dizaines de mètres. Sous ce pont d’autoroute, les murs accueillent ceux qui souhaitent tester de nouveaux lettrages, passer un bon moment en groupe, laisser une trace de leur passage, faire valoir leur statut d’autorité dans le domaine… Ici comme sur la toile, les couches se superposent, déclinent différents styles, montrent que le mouvement demeure actif, passant de générations en générations. Le problème pour les autorités locales est un classique de cette espèce d’écrits. Les lieux réservés ne suffisent pas à encadrer définitivement cette pratique d’écriture. Au contraire, en rendant possible son exercice, ils constituent un formidable incubateur de formes graphiques vouées à s’exporter toujours un peu plus loin. On se souvient de la fermeture de nombreux sites web au début des années 2000, suite à une opération judiciaire sans précédent en France, connue comme le procès de Versailles. Pour autant, tags et graffiti continuent de pulluler un peu partout, de jouer sur les frontières de la légalité, au grand dam des politiques d’effacement et des policiers du net. Les occurrences de la même inscription réalisée au pochoir sur les murs qui jouxtent l’espace réservé proche d’Amsterdam témoignent de cette porosité dont il faut encore et toujours rappeler les limites : “ce mur ne fait pas partie de l’espace graffiti”.



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