ISSN : 2266-6060

Sans nom

St-Martin de Ré, août 2011.

Une entité, un nom. C’est le moyen habituellement utilisé pour désigner le monde que nous traversons. Pas d’être humain sans surnom ou nom propre, pas de ville ou de rues sans plaques, pas de produits sans étiquettes, pas de circulation sur internet sans adresses. Ce processus de marquage est tellement présent que nous n’y faisons plus attention, et c’est précisément ce qui en fait la force : sans ces étiquettes, le monde serait difficilement identifiable et praticable. Sans aucun repères nominatifs, le monde serait totalement désordonné.
Une entité, pas ce nom. La forme des objets est aussi un autre moyen puissant de se repérer. Leur allure et leurs couleurs suffisent dans bien des cas pour les identifier. Un travail de marquage différent est alors nécessaire pour signifier leur identité : malgré les apparences, “ceci n’est pas une poubelle”. Au lieu de lui attribuer un nom, la formule ne dit pas ce que c’est, mais ce que ce n’est pas. Elle peut certes dérouter, mais sa vertu est ailleurs. Contre l’obsession du réalisme à dire ce que sont exactement les choses dans leur unicité intrinsèque, la formule invite à l’exploration : redécouvrir l’ontologie des entités, prendre au sérieux leur multiplicité, faire remonter à la surface les différents modes d’ordonnancement du monde qui opèrent simultanément à travers une même chose, aussi banale qu’une poubelle.



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