ISSN : 2266-6060

Impressions républicaines


Paris, mai 2019.

Écrire son prénom, c’est apprendre à discipliner son geste pour marquer une individualité : AGATHE, ALEX, ANIA, ARYEM, EDEN. Naître par l’écrit dans une variété de pleins, de déliés et d’espace entre les lettres, sous l’œil attentif des adultes qui transmettent, dès la maternelle, l’art de l’écriture scripte. Dans cette école, ELIOT, EVAN, FARES, HEZAKIAH ou INNA ont soigneusement été alignés par leurs enseignantes aux côtés de 140 autres prénoms et autoportraits. JOUMENE, KESIAH, LIDYA, LINDA ou MAXIME, tous les élèves occupent le même espace dans la société, profère l’école républicaine lorsqu’elle s’imprime sur des rectangles de toile rouge à destination des parents. Et pourtant, rumine la sociologie.
Qu’ils écrivent ou non leur prénom, MELINDA, MOUHAMED-AZIZ, NATHAN, NEELANY et NINO doivent se représenter avant que l’imprimeur ne reproduise leurs portraits sur la grille commandée par l’école. MATIAS est recouvert d’écailles, ANDRÉA possède de belles oreilles de lapin, HUGO et ASSIA portent une couronne, AURÉLIEN n’a pas de bras et SOLÈNE en a six. Cette sympathique société républicaine des égaux s’invite dans les cuisines réveillant ainsi, avec son lot de commentaires psychologisants sur les égos derrière les prénoms, le démon du classement.



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