ISSN : 2266-6060

Surfaces inédites

Clamart, novembre 2019.
La pandémie a vu changer d’innombrables aspects de notre monde : la forme que prennent nos côtoiements, les modalités de nos déplacements, les fibres que nous mettons sur notre visage. La géographie ordinaire de nos échanges est elle-même bouleversée. La distance qui nous sépare est devenue une préoccupation permanente, sans cesse réactivée par des marques, des mots et des objets qui nous contraignent pour nous protéger. Parmi ceux-ci, la paroi de Plexiglas a fait une apparition soudaine, transformant les commerces en une multitude de sites d’hommage involontaire aux guichets à hygiaphones des années soixante et soixante-dix. Mais ces barrières transparentes n’ont pas seulement permis d’assurer une forme de séparation sanitaire rassurante entre les clients et le personnel présent aux caisses. Elles ont aussi multiplié la surface disponible dans un monde friand d’affichage en tout genre. Et il n’a pas fallu attendre longtemps avant de voir collés sur ces nouveaux murs de moins en moins invisibles annonces, avertissements et autres extraits de catalogue. Comme si nos regards étaient eux aussi invités à prendre de la distance, à suivre d’autres directions.
Un indice peut-être des glissements possibles de l’isolement pandémique. Une fois séparé·e·s de nos souffles respectifs, la tentation est grande de s’affranchir du reste de la relation, et d’en profiter pour mettre à profit les laps de temps libérés par la recomposition de l’espace pour saturer encore un peu notre attention pourtant fragilisée.



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