Choréologie

Paris, mai 2018.

Il y a des notations savantes du mouvement. La sténochorégraphie de Meunier pour les ballets classiques, un peu désuète, la labanotation pour la danse moderne et la notation Benesh. Le propos de ces écrits dits universels est autant de transmettre les œuvres aux interprètes en l’absence de leur chorégraphe, que de faciliter l’étude critique de la danse. On a dit aussi parfois que la transcription assurerait une protection juridique des œuvres. Dans tous les cas, la mise à l’écrit participe d’une certaine patrimonialisation.
Depuis le début du XXe siècle, certains chorégraphes écrivent leurs créations sur des partitions et les ballets nationaux recrutent des choréologues pour réaliser des transcriptions du répertoire. Mais l’immense majorité des écrits disponibles sont des initiatives de chercheurs et de conservateurs. Car si la choréologie a fait partie de la formation dispensée dans les conservatoires, le développement des enregistrements vidéo l’a largement reléguée au rang de pratique savante pour laquelle chorégraphes et danseurs n’ont plus grand intérêt.
Pourtant l’écriture n’a pas coupé tous liens avec la danse. Dorine Aguilar, comme beaucoup d’autres, tient un carnet. Nulle retranscription littérale, sa mémoire corporelle connait les exercices et les variations. Vingt en même temps et pour les cours ça change tous les mois, annonce-t-elle. Alors pour aider le corps, au fil de sa préparation, elle note les musiques (« Nocturne ou Bjork » pour le pré-échauffement, « Les filles désir de Vendredi sur Mer » plus loin) et quelques passages techniques qu’elle ne connait pas encore bien (« deux pas de bourrée en tournant, tour à gauche, tour à droite, ball change, quatre cloches… »). Contrairement aux systèmes de notation du mouvement qui pointent vers le futur, cette choréologie est extrêmement fragile et présentiste. Une fois que le corps n’en n’a plus besoin pour danser, ingrat, il oublie le sens de ces inscriptions qui tombent alors, elles aussi, en désuétude.