ISSN : 2266-6060

Chiffrer

Roanne, février 2020.

Faut-il écrire les nombres avec des chiffres ou des lettres ? Les mathématiques mises à part – où les nombres règnent parmi une multitude de symboles –, peu importe du moment qu’ils sont lisibles. À quoi bon alors ce logiciel, qui distingue trois options différentes ? Encore une fantaisie informatique ? Ce n’est pas aussi simple. Dans certains écrits administratifs, bancaires, et plus encore, dans les actes authentiques, l’écriture des nombres est cruciale. Les années, les dates, et les sommes financières sont plus particulièrement concernées. Outre la localisation du document dans un espace et un temps bien identifiés, l’inscription de la date précise sa position au sein d’une chaîne de production, successive ou parallèle, d’autres textes, en amont comme en aval. Ici la date ne fixe pas uniquement le temps, elle marque un moment à partir duquel court un délai défini avant d’enclencher le prochain acte. Ces éléments importent au point que dans le monde de l’imprimé, certains nombres font partie des mentions portées obligatoirement de manière manuscrite dans la matière textuelle. Participant d’une esthétique certaine des actes juridiques, renforcée par l’association particulière des lettres minuscules et majuscules, l’écriture des nombres, en chiffres ou en lettres, est un attribut essentiel pour une autre raison encore. Même en régime tout électronique, les dates ou les sommes engagent la possible nullité du document. Qu’elles ne respectent pas leur facture graphique attendue, réglée dans les moindres détails, et la puissance d’expression du document est directement entachée. Bien que les énoncés fassent sens, la force pragmatique se trouve réduite à néant. Ici, écrire les nombres en lettres ou en chiffres, c’est faire du texte un acte qui opère effectivement dans le monde.



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