ISSN : 2266-6060

Carton d’invitation


Saint-Aubin-sur-Mer, mai 2019.

Le carton d’invitation est encadré dans la cuisine. Témoin d’une gloire passée, il trône au-dessus de la gazinière. Elle qui arpentait depuis des années, seule, les routes de Normandie, collectant dans les dossiers médicaux des hôpitaux et praticiens qui lui ouvraient leurs archives, les précieuses données pour agréger et décortiquer les causes, les incidences et les facteurs de risque du cancer, a d’abord cru qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Un appel a suffi à lui confirmer le sérieux de l’invitation.
Le gouvernement lançait un plan national de lutte contre le cancer, octroyant un demi-milliard d’euros sur cinq ans pour améliorer la prévention et le dépistage, la qualité des soins et de l’accompagnement des patients, et investir dans la recherche. Et, pour ce faire, dramaturgie présidentialiste oblige, Jacques Chirac devait prononcer une allocution devant les acteurs concernés. Mise en scène énonciative et solennités requises. Associations de malades, ministres, chercheurs et praticiens dont le titre et le nom avaient élégamment été inscrits sur le carton devaient se réunir en présence du souverain républicain, incarner la politique qui avait été en partie décidée sans eux. « Tenue de ville exigée » était la seule indication sur le rôle qui était attendu d’eux.
Indépendamment du « bilan » de ce plan cancer (et des suivants), l’invitation encadrée de rouge lui rappelle qu’elle a participé à un rituel républicain peu ordinaire et lui remémore à chaque coup d’œil, une considération et un élan qui l’ont portée, au moins un temps.



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