ISSN : 2266-6060

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Internet, mai 2023

Nous le savons bien, au moins depuis Umberto Eco : tout texte publié ne dépend plus que de ses lectrices et lecteurs, les auteurs ne peuvent pas grand-chose face à la circulation imprévue, aux soutiens improbables, aux commentateurs non sollicités, aux critiques irascibles, à l’indifférence générale. Dans le cas de Scriptopolis, ouvrage aussi destiné à de multiples publics extra-académiques, nous avons bien sûr été sollicités, encore dernièrement par la Radio-Télévision Suisse. Les questions précises et pertinentes permettant de reparler du livre, des écrits, de notre démarche, du site et de ses billets. Et, à notre grande surprise, à la sortie du livre il y a quatre ans déjà, une chronique élogieuse dans la matinale de France Inter avait contribué à la découverte de l’univers « baroque » coconstruit avec notre chère éditrice Élodie Boyer.
Mais Scriptopolis est aussi un livre académique, fondé sur de nombreuses influences et disposant d’une section centrale à portée théorique, ainsi que d’une bibliographie. Mais dans le monde académique, les simples lecteurs et les entretiens médiatiques ne comptent guère. Revendiquer un ouvrage en le lisant dans son CV est une chose, s’assurer qu’il a été intégré au corpus académique en est une autre. Outre les invitations en séminaires et journées d’études, le premier écrit qui compte est le compte-rendu publié dans une revue ou sur une platforme, signe tangible qu’une lectrice pense l’ouvrage suffisamment important pour écrire un texte qui lui est entièrement consacré, validé par un collège de pairs.
Cette première forme de valorisation, multi-séculaire, tend désormais à être minorée par rapport à un nouveau rapport intertextuel : l’inclusion de l’ouvrage dans la liste bibliographique d’un autre écrit académique, que des bases de données bibliographiques transforment ensuite en citations, qui s’accumulent comme autant de preuves de la pertinence du texte princeps. Et ces bases proposent à leurs auteurs des instruments de suivi de ces traces de crédit scientifique comme dans l’image capturée ci-dessus. Quel rapport entre l’argent dématérialisé dans les petits commerces et Scriptopolis ? Il faudrait lire le texte – et donc disposer d’un abonnement adéquat – pour le savoir.
On peut néanmoins être indifférent au sens de ce lien : désormais, la citation est détachable de la lecture, elle circule librement et nous dit « ce texte compte » non parce qu’il a des lectrices, mais parce que d’autres auteurs l’ont inclus comme référence. On comprend mieux alors l’importance de la « première citation », en surimpression bleue, nouvellement soulignée par le moteur scholar de Google. Un baptême académique a eu lieu, il faut le célébrer.



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