ISSN : 2266-6060

Retouchée

Paris, décembre 2017.


Ce matin je n’ai pas osé arriver ruisselante de pluie en entretien, alors j’ai délaissé le vélo et me suis engouffrée avec vous dans les galeries du métro. Prêtez-vous attention à la publicité ? Une attention distraite dites-vous. Gageons que si les espaces publicitaires prospèrent c’est parce que les annonceurs font connaître telle nouvelle série, la prolongation de cette remarquable exposition, ou encore ce service indispensable pour les fêtes de fin d’année. D’ailleurs aviez-vous remarqué que lesdits espaces sont répertoriés par des étiquettes grises et probablement associés à un prix de location dans un tableau, quelque part dans les bureaux de la RATP ?

Vous le savez, on a beaucoup (et depuis longtemps) déploré la pollution visuelle, analysé les instruments et les méthodes de ciblage des agences, glosé sur le bon et le mauvais goût de certaines campagnes. Passagère irrégulière, je vous propose un jeu : qu’est-il indispensable de connaître pour parcourir sans crainte les rues du 7e arrondissement où j’ai rendez-vous ? Justement, à propos de la pluie, cette publicité vous propose de réserver depuis votre téléphone des « soins de beauté ». Je persifle à votre intention : « super, ubériser les salons de beauté et inviter à toujours plus de transactions marchandes… Il ne manquait plus que ça, se faire brusher pour aller travailler ». Pour toute réponse, vous me désignez d’un sourire la nouvelle mention légale en bas à gauche de l’affiche : « photographie retouchée », indispensable dès lors que les personnes ont été amincies ou élargies. Vous semblez sceptique, « on sait depuis longtemps qu’elles le sont », c’est encore la trahison des images. Ou mieux, « l’écrire ne change rien au problème : on prend toujours les mêmes très jeunes femmes, blanches, minces, aux longs cheveux ». « Certes, vous répondais-je, mais si c’était un premier pas sur cette thématique désespérante de la beauté ? Qui sait si désormais, les passants s’amusaient à repérer les qualités photographiques des publicités et que l’équipement de l’œil amenait les publicitaires, soucieux de plaire, à revoir ces standards problématiques ? ». Nous ne réglerons pas le problème ici, mais je vous laisse tout de même un peu optimiste ce matin et me promet de regarder d’un nouvel œil les publicités.



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