ISSN : 2266-6060

Déplacés

Paris, mai 2010.

Dans la plupart des situations, scrutés avec attention ou, au contraire, complètement ignorés, les panneaux sont parmi nous. Ils nomment des lieux, rappellent à l’ordre, indiquent des directions, gèrent des flux… Après plusieurs années d’étude en scriptopologie, nous savons combien leur composition graphique est largement impliquée dans l’action qu’ils sont sensés accomplir. Les couleurs comme les inscriptions sont soigneusement choisies et standardisées. Mais dans bien des cas, nous savons aussi que ça ne suffit pas. Pour que les entités circulantes atteignent leur destination sans trop de détours ou que les véhicules s’arrêtent à un “stop”, l’emplacement des panneaux est primordial. Ceux-ci n’effectueront l’action escomptée que si ils sont placés à des endroits spécifiques. Enfin, nous savons qu’une inscription ne fait pas que divulguer des informations. Un panneau agit : il transforme le lieu où il se trouve. C’est en plantant un panneau à proximité d’un virage qu’il devient “dangereux”.

Que dire alors de ces panneaux présentés de dos ? Premier réflexe : c’est un stock. Ils sont là en attente d’être posés à divers endroits d’un site avec de nouvelles voies de circulation. Deuxième réflexe : ils constituent une réserve, toujours prêts à venir remplacer d’autres panneaux déjà en place qui s’usent ou sont régulièrement endommagés. L’ensemble ne prend donc sens qu’en relation avec d’autres panneaux et un autre lieu. Certes. Pourtant dans le cas présent, ils ne signalent pas seulement ce que désignent les inscriptions qu’ils portent. Déplacés dans une salle d’exposition, les panneaux sont posés là pour rappeler la polémique qui concerne la construction d’un barrage et le nom des lieux qu’il noie. Les panneaux sont donc eux-mêmes transformés : tournant le dos aux visiteurs, leur action est toujours d’indiquer quelque chose. Ils restent cependant muets pour nous transporter dans le souvenir et nous faire réagir face à l’oubli. Puis, photographiés par un scriptopolien, ils sont déplacés une nouvelle fois, intégrés au réseau des nombreux panneaux que nous examinons sur ce blog, servant ainsi de matière à réflexion sur les mondes de l’écrit.



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