ISSN : 2266-6060

Définitions


Par notre invitée : Laurine Lièvremont

Paris, septembre 2021.

La définition d’un fibré de fibre F, inscrite à la hâte et rendue aussi courte que possible par des abréviations, devient incompréhensible si on ne maîtrise pas les définitions précédentes. Qu’est-ce qu’un « vois », un « homéo » ou un « esp topo » ? La concision des notations mathématiques frôle l’hermétisme dans le cas de ce diagramme, mais l’objet n’en est pas moins rigoureusement défini, sans qu’on ne sache vraiment à quoi il « ressemble », même lorsque l’on est mathématicien.
Les notions de voisinages, d’espace topologique et d’homéomorphisme, le choix des relations que ces objets entretiennent entre eux permettent de construire un nouvel objet, le fibré. Plusieurs questions peuvent alors se poser : pourquoi choisir ces objets de départ plutôt que d’autres ? Pourquoi les relier entre eux de cette manière, comment savoir si cela permettra de poursuivre le travail mathématique ? Et surtout, une fois l’objet fibré de fibre F défini, comment l’étudier, l’utiliser dans les preuves et s’assurer qu’il « sert » bien à quelque chose ?
On entrevoit au détour d’une définition aussi complexe l’arbitraire de la construction d’un objet mathématique : chacune des grandes avancées des mathématiques fondamentales a pourtant été permise par l’introduction et l’utilisation d’objets pertinents permettant de nouvelles méthodes de preuve. Plutôt que l’apparition de nouvelles technologies permettant des méthodes d’inscription plus performantes comme dans les sciences expérimentales, c’est bien la création de nouveaux objets abstraits qui permet le progrès mathématique. Ceux-ci sont ensuite étudiés puis mis en mouvements dans des preuves jusque là impossibles, qui permettent à leur tour de créer d’autres objets plus élaborés. Les mathématiques fondamentales alternent donc entre créations et analyses de leurs propres constructions dans une circularité sans comparaison dans les sciences expérimentales.



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