ISSN : 2266-6060

Vestige


Paris, avril 2025.



La journée était estivale et, dès l’ouverture, les grands parcs de la ville étaient devenus des espaces de rassemblement. Pendant que d’autres travaillaient, on y venait lire, passer un appel, pique-niquer en famille ou entre ami·es, bronzer seul·e en maillot de bain, promener un peu plus longuement ses animaux domestiques ou ses enfants, remplir sa gourde sur un trajet ou faire de l’exercice. Il n’y a pas de doute : les formes élémentaires de la civilité urbaine s’avèrent sensibles au climat.

Au Sud de Paris, les pelouses du parc Montsouris dessinées par le célèbre Jean-Charles Adolphe Alphand, responsable du service des Promenades et des Plantations du baron Haussmann étaient recouvertes de serviettes, les bancs à l’ombre et les chaises de jardin occupées. En longeant le lac artificiel en quête de l’une des précieuses chaises où je pourrai, moi aussi, m’asseoir, un petit panneau attira mon attention. Il s’agissait d’un mobilier d’affichage atypique : ni celui pour l’affichage administratif ou libre du public à l’entrée ni d’un panneau d’information sur la faune, la flore ou l’histoire comme ceux qui se sont multipliés dans l’espace public depuis trois décennies. Ce panneau de résine décoloré, incliné sur un pied à hauteur d’assise se présentait comme le vestige d’une politique publique : le budget participatif de la ville de Paris pour l’année 2015.
Placarder une affiche, communiquer sur les réseaux sociaux et sur le site internet, certes, mais pourquoi quelques milliers d’euros alloués à l’achat de chaises dans un parc dont l’entretien annuel représente des centaines de milliers d’euros devrait-il faire l’objet d’un affichage durable dans un paysage urbain à l’esthétique, par ailleurs, si étroitement surveillée ? Transparence partout, communication gratuite pour l’équipe municipale ou démonstration à l’attention d’une association de quartier particulièrement véhémente, qui se souvient précisément des enjeux de l’année 2015 ? Seule une captation de Google Street View remontant à 2009 me rappelle à quoi ressemblait le parc lorsqu’il y avait les bancs pour seules assises. Par sa présence sur laquelle s’attarde plus ou moins les promeneurs et promeneuses du parc, l’objet s’autonomise des desseins de ses concepteurs et une nouvelle expérience politique peut se dessiner, activant l’envie de participer à l’élaboration du prochain budget ou d’en discuter avec sa voisine.



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