ISSN : 2266-6060

Transactions

Boston, mai 2011.

De nos jours, le symbole @ relève de l’évidence. La plupart des gens qui ont accès à internet utilisent cette touche du clavier sans y penser. Et sans connaître son improbable trajectoire historique. Malgré une origine controversée, il semble qu’il existait déjà au VIe siècle, époque à laquelle les moines copistes figuraient ainsi la ligature du ad latin. Il resurgit dans les comptes des marchands florentins comme unité de mesure, puis se retrouve dans les écritures commerciales et religieuses des siècles suivants. Au XIXe siècle, aux États-Unis, devenu l’abréviation de “at the rate of”, il servait à noter le prix unitaire des marchandises. Cet usage comptable aurait largement participé à son apparition sur les claviers des machines à écrire dès 1885. Codifié parmi les caractères informatiques standard (code ASCII) en 1963, le @ a pourtant presque perdu son usage lorsque les premiers claviers informatiques sont commercialisés.
En octobre 1971, Ray Tomlinson, alors responsable du développement du programme d’échange de messages entre ordinateurs sur le réseau ARPAnet, cherchait un symbole pour relier un utilisateur “à” un domaine et ainsi localiser des serveurs de courrier électronique. Disponible sur le clavier, le @ a ainsi été réinvesti tout en conservant ses significations antérieures : établir des relations entre des entités et élaborer des liens fondés sur des règles quantifiables et mesurables. Enfin, le @ a pris un nouvel élan lorsque, en mars 2010, le MoMA (le musée d’art moderne de New York) en a fait l’acquisition pour sa collection. Il contribue ainsi à identifier quotidiennement des millions de personnes tout en étant inscrit au panthéon de la création graphique, objet de collection parmi de nombreuses autres œuvres d’art. Que le @ se trouve gravé dans le marbre de la sorte, telle une inscription épigraphique, ne fait que confirmer la vitalité et les potentialités pragmatiques de ses innombrables réinscriptions.



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