ISSN : 2266-6060

Ne t’en fais pas

Paris, septembre 2012.

Elle a ses propres clefs maintenant. Une fois par semaine, elle rentre seule de l’école après le déjeuner. Tu as essayé de l’imaginer, à organiser les quelques heures dont elle dispose avant de prendre son vélo pour aller à sa leçon de tennis. À faire ses devoirs, se changer, en essayant de gagner autant de temps que possible pour lire autant de pages que possible de son livre du moment. Et puis traverser la ville en vélo. Elle t’a déjà dit à quel point ces moments solitaires étaient importants pour elle, dans la rue « sans mes parents et sans mon frère ». Et c’est vrai que tu as déjà pu voir dans sa façon de parler, tout comme dans sa façon de garder le silence, quelque chose comme de l’autonomie qui arrivait, pour ce que cela veut dire.
Mais c’est surtout ce petit mot écrit à la main qui t’as fait éprouver les changements, qui t’as vraiment ému. Ce n’était pas seulement une phrase gentille, suivie de son prénom et d’un cœur : c’était une réponse. De l’autre côté du morceau de papier, tu avais écrit quelque chose à propos de ses phares qu’elle devrait allumer le soir en rentrant à la fin de la journée. Ses mots ont inauguré un dialogue écrit qui t’as rappelé celui, si prolifique, que tu avais eu avec ta femme, il y a des années, qui repose aujourd’hui dans un gros classeur, quelque part dans un placard. Tu aimes voir dans cette note la première étape du renouvellement de l’histoire écrite de la famille.
Le lendemain, elle t’a dit à quel point ça lui avait plu. « Tu sais papa, c’est chouette que tu m’aies écrit un petit mot, j’aime ça. Et que je puisse te répondre. » Ravi de sa réaction, tu n’as pas pu t’empêcher d’imaginer ceux qui allaient suivre, pensant aussi aux SMS que vous allez finir par échanger un jour. Remplaceront-ils les petits papiers ? Sans doute pas. Les lecteurs de Scriptopolis les trouveront-ils tout aussi adorables et tout aussi digne d’une anthropologie de l’écriture ? Espérons-le.



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