ISSN : 2266-6060

En vigueur

Roanne, avril 2010.

Tu es né ici. Tu y a grandi, puis tu y as fondé une famille. Tes enfants y ont grandi à leur tour, et tes petits-enfants y ont passé de bons moments pendant les vacances. Tu y as même passé un peu de temps avec certains de tes arrière-petits-enfants. Ceux-ci n’ont pas connu les soirées de Noël dont toi seul avais le secret : l’accès à un cadeau consistait en la résolution d’un rébus dont les éléments étaient répartis en plusieurs petits morceaux de papier que nous devions trouver et recomposer au fur et à mesure. La première fois, la formule a eu un tel succès que nous t’avions demandé d’en improviser de nouveaux sur le champs, quitte à attendre entre cousins, dehors au froid, le temps que tu composes et caches les parties de l’énigme dans la maison.

Trois ans bientôt que tu t’es éteins. La moquette et les principaux meubles de la maison sont encore là dans la pièce principale. Je me suis mis à “ta” place pour écrire, histoire d’adopter, pour un temps, ton point de vue sur ce lieu. Je me remémore différents moments et plusieurs discussions que nous avons eues ici. Une récente me vient spontanément à l’esprit : tu me faisais comprendre à demi-mots que tu serai le dernier membre de “la tribu”, pour reprendre ton expression, à habiter ici. Aucun des héritiers ne reprendrait le flambeau. J’acquiesçai alors sans savoir que les choses tourneraient finalement autrement. Ni toi ni moi ne nous doutions que la maison resterait dans la famille, qu’elle serait habitée régulièrement, encore moins que d’importants travaux de rénovation seraient entrepris. Nous n’imaginions pas la tournure actuelle des événements : moi face à cette pancarte, à qui on a demandé d’écrire dans les cases vides, pour l’afficher ensuite publiquement, et annoncer aux voisins comme aux passants que ce lieu est toujours en activité.



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