ISSN : 2266-6060

Surface

surface

Paris, avril 2013.

L’écriture est une chose plutôt compliquée à étudier, pour tout un tas de raisons différentes. L’une d’entre elles tient dans les liens étroits que l’écrit entretient avec d’autres éléments. L’écrit n’existe pas en tant que tel. Il implique toujours à la fois des lignes et une surface sur laquelle celles-ci sont tracées. L’intérêt pour les surfaces d’écriture à été très important pour l’anthropologie de l’écriture : des mots similaires sur un écran, un mur ou une petite feuille de papier ne sont pas exactement identiques. On ne fait pas les mêmes choses avec eux, ils ne nous font pas les mêmes choses.
Parmi toutes les surfaces possibles, le papier a évidemment attiré beaucoup d’attention, notamment ces dernières décennies durant lesquelles il a résisté à sa disparition annoncée. Les ordinateurs n’ont pas anéanti le papier, qui a été décrit par de nombreux chercheurs comme une surface particulièrement durable, stable, solide, mais aussi pratique et souple.
Insister sur cette résistance est évidemment essentiel, mais peut finalement conduire à oublier que le papier est aussi un peu plus qu’un « support ». C’est un objet fait de matériaux multiples aux multiples propriétés. Le dos de ce ticket de caisse nous montre nombre de choses intéressantes à ce propos. Tout d’abord, nous découvrons que certains papiers avaient des matériaux en commun avec certains plastiques. Nous apprenons également que ces matériaux ont changé au fil du temps, puisqu’ils sont progressivement devenus indésirables. Cela veut dire que le papier lui-même continue d’évoluer, et que résister à l’épreuve du temps ne veut pas forcément dire rester le même. Nous voyons par ailleurs que ces transformations matérielles, qui sont importantes pour la politique, l’environnement et la santé, sont rendues intelligibles. Vous et moi ne pourrions pas voir que ce papier est un « papier sans Bisphénol A » sans quelques mots qui le précisent. Enfin, cette intelligibilité aurait pu s’accomplir sur une surface à part, qui aurait accompagné chaque ticket, mais la dernière chose que nous montre ce ticket-ci est un aspect non-négligeable du papier : sa propension à devenir un objet pluri-énonciatif.

PS: Pour en savoir plus sur le ticket de caisse, son papier sans encre et ses mutations, n’hésitez pas à lire cette remarquable page wikipedia.



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