ISSN : 2266-6060

Rentrée, épisode 2

Rentree2

Clamart, septembre 2010.

Je n’avais pas osé rester trop longtemps derrière la directrice. J’avais lu le nom de l’instituteur, je savais le principal. Mais de retour chez moi, quelques minutes à peine ont suffi pour que je comprenne que je n’avais fait que la moitié du travail. En alignant le nom de ma fille et celui de l’enseignant, je n’avais glané qu’une seule information, certes importante, mais partielle au regard de tout ce que la liste contenait. C’est que la question « t’es avec qui ? », que les jeunes élèves n’allaient pas tarder à se poser inlassablement, est à double sens. Il n’y a pas que les profs dans la vie. Chaque année les classes, au sein desquelles l’équilibre des amitiés s’est consolidé au fil des mois, volent en éclat et les noms des listes précédentes se mélangent au hasard des longues discussions et obscures stratégies estivales des instituteurs et de la directrice. Les cartes sont rebattues et l’on attend de connaître ceux des amis qui resteront proches, ceux qu’on ne retrouvera que dans la cour de récréation et ceux qu’on aurait préféré savoir ailleurs.

J’y suis donc retourné. Observant le monde qui déjà s’agglutinait devant, j’ai essayé de faire remonter de ma mémoire endormie par les vacances les noms et les prénoms des amis qui comptent. Ça en faisait une sacrée liste. En arrivant devant le tableau, j’ai vu que je n’étais pas le seul à m’inquiéter de mes capacités de lecture et de mémoire. J’ai aussi compris que l’on n’avait plus besoin aujourd’hui d’une bonne vue, ni de compétences en lecture accélérée. De bonnes lunettes non plus. Il suffisait de tendre la main, et de placer un appareil photo en face de la liste chargée de noms. Attraper le texte, comme un papillon dans un filet, afin de l’admirer à loisir une fois chez soi. Voire de l’envoyer au conjoint immédiatement pour qu’il ou elle puisse l’analyser à son tour.
Je ne sais pas ce qui m’a le plus surpris : voir autant de personnes pointer un appareil photo ou un téléphone vers le tableau, ou me trouver prêt à dégainer le mien sans même y réfléchir. Mais je n’ai pas cédé. J’ai regardé attentivement la liste et recopié sur mon téléphone les noms des amis de ma fille. Je les ai ensuite envoyés à ma femme par SMS. Plus tard dans la journée, c’est elle qui est allé lire la liste avec notre fille. Égrenant à haute voix les noms. J’en avais oublié trois.



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