ISSN : 2266-6060

Les jeux du nom

Paris, mai 2009.

Plaques de rues, enseignes commerciales, panneaux publicitaires ne jalonnent pas seulement les lieux publics, ce sont aussi des sites particulièrement propices au déploiement de noms. Nom propre d’un personnage historique ici, nom commun faisant partie du paysage urbain là, sigle ou acronyme devenu une marque commerciale ailleurs. Une fois déployé et répété de nombreuses fois au quatre coins d’une ville pour certains, du monde pour d’autres, le nom constitue une référence identifiante. Il désigne un type de lieu auquel est associé un ensemble d’activités et de productions.
La Fnac fait partie de ces noms qui circulent sans entrave dans les conversations et les pratiques quotidiennes de consommation. On s’y rend généralement dans le seul but d’acquérir des produits culturels. Au même endroit, les employés de la Fnac sont en revanche dans un lieu de travail, une organisation structurée en différents secteurs, façonnée par des règles et des prescriptions, traversée par des hiérarchies formelles et informelles, tendue vers des impératifs de productivité, de diffusion… Mais, clients ou travailleurs, combien savent finalement que cet acronyme, devenu un quasi nom propre, signifiait “Fédération Nationale d’Achats des Cadres” avant de devenir “Fédération Nationale d’AChats” ?
Peu importe ce que recouvre un nom, ses différentes significations et ses transformations dans le temps. L’important c’est qu’il s’affiche, circule, repousse toujours plus loin les frontières de son territoire, et rayonne aussi longtemps que possible. Pourtant, il arrive que la surface lisse du nom s’effrite, se plisse et laisse entrevoir les failles plus ou moins nombreuses de sa supposée cohérence. C’était le cas ce jour-là : les employés s’insurgeaient contre les suppressions de postes en recouvrant le nom par des tracts revendicatifs. Ils rendaient ainsi visible une partie des coulisses de l’organisation, ils exposaient sur le nom lui-même les multiples tensions qui le traversent. La direction avait bien tenté d’arracher ces impuretés, d’effacer cette différance chère à Derrida, mais le nom n’avait pas totalement retrouvé son éclat.



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