ISSN : 2266-6060

O dans l’a


Paris, février 2018.

Il est des espaces de contestation où la récurrence et la multiplicité des manifestations nous laisserait penser qu’ils sont privilégiés. Les façades des tribunaux, les enceintes des universités, les grandes places ; autant d’espaces disponibles pour devenir des lieux d’expression politique et artistique. L’immeuble de la Banque de France situé place de la Bastille à Paris est l’un d’eux. Simple succursale, n’hébergeant aucune des directions centrales et ne proposant que des rendez-vous de surendettement aux particuliers, le bâtiment est régulièrement l’objet de graffitis. L’épaisseur historique du lieu, érigé à proximité d’un des murs d’enceinte de l’ancienne forteresse, peut, peut-être, expliquer la prolifération de graffitis sur ses épais murs de pierre. Du moins, c’est ce que suggère Piotr Andreïevitch Pavlenski, auteur de la performance Éclairage en novembre 2017. « Mettre le feu dans la Banque de France c’est mettre l’éclairage sur la vérité que les autorités nous ont forcé à oublier […] La Banque de France a pris la place de la Bastille, les banquiers ont pris la place des monarques […] ». Un glissement de la souveraineté populaire vers les banques qui ferait de ce site un espace d’expression précieux. À moins qu’il ne soit simplement sur le trajet des manifestations.
Parmi les graffitis qui s’écrivent, s’effacent (plus ou moins bien du fait de l’absorption des panneaux de marbre) et s’écrivent encore, l’ambiguïté de celui rapporté sur la photo a attiré mon attention. La ligne du O enlacée dans le L formant un A, lisez-vous : banque de voleurs, ou bien banque de valeurs ? Une bande de voleurs certes, mais que signifierait une banque de voleurs ? Une banque hébergeant l’argent de pillages, gouvernée par un collectif qui aurait, suivant la piste de Pavlenski, usurpé la souveraineté nationale ? Dans ce cas, la critique de la banque serait sans appel et l’on comprendrait aisément pourquoi l’on serait tentés de la brûler. Mais la substitution du A au O ouvre sur une question plus épineuse encore : que désignerait une banque de valeurs ? Une collection bien gardée de valeurs morales (liberté, égalité, etc.) enregistrées dans le patrimoine national ? Ou bien s’agirait-il de révéler que la Banque de France est un lieu d’échanges financiers dans lequel les citoyens surendettés sont en passe de devenir de bons actifs, de bonnes valeurs financières ? O ou A, dans tous les cas, il semble que l’anarchisme a de beaux jours devant lui.



Laisser un commentaire