ISSN : 2266-6060

Lecture parlée

Lausanne, décembre 2025.



Les activités de l’esprit, qui peuvent être perçues comme purement abstraites et ayant pour siège la boîte crânienne, reposent sur des techniques incorporées et des instruments, parmi lesquels l’écriture joue un rôle central. Étudiant la démonstration mathématique au tableau, Christian Greiffenhagen a notamment insisté sur les pratiques consistant à écrire et à parler (writing-talking) une preuve. Si les mathématiques, entretiennent un rapport privilégié avec la composition à la main au tableau, noir ou blanc, le reste des activités d’exposé scientifique suppose, le plus souvent, non pas d’écrire mais de lire et de parler (reading-talking), dans un habile jeu d’aller-retour du regard, entre les diapositives, des notes déjà prises à la main, imprimées voire imprimées, surlignées et annotées manuellement.

Invitée dans une conférence, cette jeune chercheuse a accompagné la présentation de ses diapositives d’un ingénieux dispositif d’externalisation du raisonnement qu’elle souhaite transmettre à l’audience. Elle a découpé et collé ses notes manuscrites sur des fiches cartonnées de couleur jaune. Contrairement aux feuilles de papier qui parfois glissent en cours d’exposé et dont le grammage peut s’avérer insuffisant pour opposer une résistance aux force de la gravité, ses fiches cartonnées et numérotées en suivant le diaporama, lui permettent une garder son propos en main et sous les yeux. Après avoir cliqué sur le bouton suivant, elle alterne de rapides coups d’œil pour lire le texte qu’elle a préparé et, s’adressant à la salle, elle expose plus ou moins littéralement ses notes en fonction de son décodage des réactions du public, du temps dont elle dispose ou encore des reformulations ou digressions qui lui viennent en situation. Même bien préparée, cette performance de lecture parlée n’est en rien réductible à ce que la conférencière avait été préparé à son bureau ; quelque chose échappe toujours.



Laisser un commentaire