ISSN : 2266-6060

Traces folles

tracesfolles

– Clamart. Février 2009 –

Une société du risque est une société de traces. S’il y en a de nombreux pour s’insurger, voire lutter contre ces nouvelles formes dispersées du contrôle, à l’inverse, on en trouve d’autres, plus nombreux encore, qu’elles rassurent.
L’épisode de la vache folle a sans doute représenté un tournant radical de ce point de vue. Notamment parce que les politiques de traçabilité, déjà largement répandues en coulisses du marché, s’y sont vues élargies. Les traces ont alors passé une frontière déjà bien poreuse et se sont affichées, toujours plus nombreuses, aux yeux de nous tous, consommateurs ordinaires. Codes-barres, séries de chiffre, horodatage et outils de géolocalisation sont désormais à la disposition du citoyen informé dont parle si bien Andrew Barry.
En voici un bel exemple, posé sur la vitrine du boucher-charcutier d’un petit supermarché de banlieue. De quoi tout savoir de la viande qui est proposée. Face à l’objet, le technophile fait pourtant un léger mouvement de recul. Quelque chose cloche. Cette liste serait-elle tracée à la main ? Un premier réflexe le pousse à la compassion, lui qui ne lâche pas son clavier. Comme cela doit être fatiguant ; écrire tous ces mots, tous ces chiffres… Puis un autre le laisse perplexe. Que ressent-on face à ces lettres manuscrites ? De la confiance dans la longue chaîne de traces sans doute très techniques qui a le mérite de présenter une extrémité humaine ? Ou au contraire, une certaine inquiétude ? Ce serait si facile pour une main de tricher un peu sur une date ou sur une provenance… Une seule solution pour calmer le doute : fixer longuement le boucher en question et jauger l’honnêteté de son regard, d’homme à homme.



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