ISSN : 2266-6060

Doléances

cafet

– Levallois-Perret. Décembre 2008-

C’est une évidence aujourd’hui de dire que les services prennent une place de plus en plus grande dans notre monde. Du point de vue de l’emploi, cela se traduit par de profondes transformations. Mais ce serait aller un peu vite que de considérer que nous assistons à un pur et simple remplacement : une bascule complète de l’industrie au service. Dans bien des cas, ce qui semble se jouer est davantage de l’ordre du recouvrement, de l’installation d’une couche de services qui vient s’ajouter, et parfois masquer, des processus industriels. Les panneaux, les affiches et autres étiquettes sont des manifestations très nettes de ce mouvement. Ils ajoutent à la foule qui habite déjà chaque objet technique de nouveaux personnages disponibles.
Ici, la très ordinaire machine à café est bien bavarde. Elle admet déjà ses propres défaillances puisque l’affichette qui l’habille informe de possibles incidents. À vrai dire, la formulation est un peu troublante. Elle informe surtout de la marche à suivre en cas d’incident. Elle invite à monter l’escalier, traverser la cour et arpenter le couloir de l’école de communication qui l’héberge, pour trouver à l’accueil un autre outil d’écriture dont on nous donne déjà un aperçu de l’organisation.
Les items à eux seuls laissent deviner qu’il va falloir un peu travailler pour produire une réclamation. Nous devrons par exemple être capables de préciser la nature de l’incident. Mais plus dur encore, il nous faudra évaluer, un peu comme au tribunal, la valeur de notre perte. Un coup d’œil discret à ce cahier donnerait une idée des fourchettes que les plaignants se permettent. Le prix de plusieurs cafés, perdu à force d’essayer ? Une chemise onéreuse tachée à cause d’un gobelet troué ? Des dommages et intérêts pour le temps perdu à tenter de récupérer les 30 centimes de monnaie jamais rendus par l’appareil ?
Un autre mystère persiste, qui est peut-être résolu à la lecture du cahier : on nous offre la possibilité de noter. Mais pourquoi au juste ? Il n’est rien précisé sur ce qui sera fait de cette note, ni sur la suite qui lui sera donnée. Peut-être que le service rendu se résume dans ce cas à cette opportunité de s’exprimer. C’est déjà beaucoup.
Mais sans doute que l’un des principaux “avantages café” offerts ici est plus direct : un peu de compagnie. C’est vrai qu’il fait bon se sentir moins seul face à l’éventualité d’une panne en pressant le bouton pour un café allongé peu sucré, à quelques minutes du cours à donner.



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