ISSN : 2266-6060

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– Grand dérangement #1. François Bon (Tiers livre) écrit chez Scriptopolis –

Nous sommes perdus. Nous sommes transportés et perdus. Nous sommes là où on nous dit d’être. Là où nous allons est le même. Je ne dis pas que les visages sont mêmes : juste, que pareil l’établissement scolaire, pareille la bibliothèque, pareille la librairie, pareil le bureau, les ordinateurs, le langage, la politesse, la tâche. Mais aussi pareille en partie la ville : on sait prendre le métro ou le bus, on retrouve les enseignes de vêtements, les lieux où manger ou boire, et la gare. Qu’on regarde du train : les toits des établissements scolaires, les parkings des hypermarchés, les stades et leurs vestiaires, les façades rutilantes des bureaux, et même ce qui distingue un hôpital : pareil. Les cimetières aussi, mêmes. On sait s’en débrouiller, on a une affectation nouvelle, un changement de poste, on trouvera un appartement identique : de la cuisine la vue change, les heures pour les poubelles ne sont pas les mêmes, on aura vite appris, on s’habituera vite. On a trouvé un pavillon, on y a mis la voiture dans le garage, branché la machine à laver, rétabli l’abonnement téléphonique, ainsi un pays se refait à l’identique. Ainsi donc prenons-nous les trains et nos voitures, pour refaire en chaque ville la tâche qui nous est assignée ici. Alors la gare n’est plus un départ, elle est seulement une bifurcation, un sas : ici on passe du train à la voiture, à la navette, au taxi, à l’autobus. Ici on s’en ira par les rues piétonnes. Les gares n’ont plus d’horaires : des séquences, des régularités (aléatoires, retards, accidents, dégradations : c’est pour nous garder un peu de bonheur dans la norme), la traversée d’un hall sous verrières, aux machines identiques. Nous aimions les gares, elles nous sont devenues aussi indifférentes que les villes. Où sommes-nous ? Quelle importance : nous ne sommes pas perdus, puisque chaque fois on pourrait te répondre que tu n’es pas perdu, tu es ici.
(dédié à Alberto Manguel)

Merci François Bon pour la belle idée de grand dérangement. Écrire chez les autres : les thèmes, les cadres et les styles se déplacent. Les autres sites participant :
Scriptopolis écrit chez Tiers livre
Liminaire écrit chez Fenêtres Open Space
Fenêtres Open Space écrit chez Liminaire
Arnaud Maisetti | Carnets écrit chez Une voix parvient à quelqu’un dans le noir
Une voix parvient à quelqu’un dans le noir écrit chez Arnaud Maisetti | Carnets

Dernière minute, suite à un dur rappel de l’Histoire du Québec le Grand dérangement s’appelle désormais Vases communicants et à son groupe facebook.



5 Comments

  1. […] De dérangements qui s’invitent et déplacent. […]

  2. Et Loïs de Murphy et Frédérique Martin s’invitent réciproquement. Merci pour l”idée.

    http://www.frederiquemartin.fr/les-vases-communicants-biffures-chroniques-echange-litteraire/

  3. […] Bon et Scriptopolis ont lancé l’idée des Vases […]

  4. […] Bon et Scriptopolis ont lancé l’idée des Vases […]

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