ISSN : 2266-6060

Candidat

Toulouse, mai 2009.

Le dossier de candidature est un objet complexe qui a au moins deux faces. Jusque-là, tu ne connaissais que la première : celle du remplissage. La confrontation aux cases, l’émotion particulière des blancs qu’il faut noircir ou bleuir, entre agacement et résignation, révolte de devoir se réduire à des mots trop simples et inquiétude de ne pas mettre exactement ce qu’il faut là où il faut. Tu aimais d’autant moins te plier à cette discipline que tu doutais de la force véritable de l’objet une fois passé le premier moment de sélection (complet ou incomplet). Tout cela de toutes façons est joué d’avance, personne ne les lis vraiment, ce ne sont pas les écrits qu’il contient qui comptent, mais les mots échangés avant, les réputations, les arrangements.

Et voilà que depuis quelques années tu vis aussi de l’autre côté. Des dossiers, tu en vois passer, tu en reçois un tas dont tu deviens responsable. Tu découvres un autre côté de cet objet presque aussi complexe à compulser qu’à élaborer. Tu vois aussi qu’il n’est pas inerte, loin de là. Ouvert à maintes reprises, déplacé, rangé en tas, retourné. Tu comprends que son action vient aussi bien des yeux que des mains. Aucun choix collectif n’est fait sans lui et tant que les hésitations persistent, on le garde entre les doigts, soucieux de ne pas lâcher la prise de son autorité.

Loin de le dénigrer à tes yeux, ces expériences en coulisses t’en éclairent autrement la portée et te poussent à la réflexivité. Tu ne rempliras pas ton prochain dossier de la même manière.



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