Les noms et leurs plis
Paris, septembre 2012.
Récemment, les noms et les formes de leur présence sur le Web ont fait l’objet d’un grand nombre de discussions. Anonymes, pseudonymes, patronymes. C’est une vraie Nym War qui s’est déclarée. Des entreprises comme Facebook et Google peuvent-elles imposer l’usage d’un vrai nom ? Existe-t-il d’ailleurs des noms que l’on pourrait considérer comme vrais ? Si oui, où les trouve-t-on, comment les reconnait-on ?
En fait, Facebook et Google voulaient des noms civils. Cela veut dire que quand un employé ou un algorithme suspectait un nom d’être faux, ils suspendait le compte et demandait des preuves. C’est-à-dire qu’il demandait des papiers qui exhibent quelques liens officiels entre un utilisateur et un nom. À l’inverse, les personnes qui se plaignaient à propos de cette politique réclamaient le droit de demeurer inconnus et d’utiliser des pseudonymes.
Finalment, après des semaines de débats intenses, les deux géants d’Internet ont accepté d’ajuster leurs règles et de faire ce que beaucoup d’autres faisaient déjà dans divers domaines (arts, sciences…) : afficher un nom qui diffère de celui qui est écrit sur les papiers officiels. Pour faire cela, ils ont adopté de nouveaux dispositifs et créé de nouvelles cases dans leurs formulaires. Ils ont ajouté une nouvelle couche d’écrits. La même que l’on peut voir sur cette photo et à laquelle on est confronté lorsque l’on signe un accord de licence de droits d’auteur. C’est un outil très simple, mais puissant, qui, dans un même mouvement, sépare et relie deux noms. C’est ce sur quoi repose un pseudonyme, et c’est en ce sens qu’il est radicalement différent de l’anonymat : un assemblage fait de traces papier ou électroniques qui stabilise les deux noms et les fait tenir ensemble dans un pli durable. Un assemblage qui assure toujours aux deux entreprises que chaque compte est attaché à une seule personne, un in-dividu. Pas tant un auteur dans ce cas qu’un consommateur, attaché par d’autres traces à un compte bancaire (à des besoins, des préférences et des choix rationnels, ajouteraient les économistes et les marketers). En tout cas, c’est ce que leurs dirigeants espèrent. Heureusement, il existe encore de nombreux moyens de tricher.