ISSN : 2266-6060

Catastrophe

Port-au-Prince, Haïti, mars 2010.

Lorsque la terre a tremblé en Haïti en janvier, il y eut des milliers de morts, de millions de blessés et de sans-abri ; la capitale fut anéantie comme jadis Lisbonne. Aux malheurs de la première République noire de l’histoire, à la dette initiale, à la violence et à l’instabilité politique, à la pauvreté, aux épidémies, aux inondations, à la déforestation est venu s’ajouter ce cataclysme : celui qui élimine tout en quelques instants, qui saigne dans sa terrible brutalité un peuple, qui prend au piège les plus fragiles, les vieillards, les infirmes et les enfants, celui qui rend l’avenir encore plus incertain.

C’est aussi la mémoire que la catastrophe détruit en faisant s’effondrer les monuments, ceux qui commémorent, ceux qui font patrimoine d’une société, d’une culture. Port-au-Prince fut rasé. Il y a enfin dans cette longue énumération des plaies de l‘après-catastrophe, une autre encore dont cette unique photo, publiée sur internet témoigne : avec le tremblement de terre de janvier 2010, les archives d’Haïti ont été ravagées, les dizaines de millions de traces de ceux qui ont construit Haïti depuis quatre siècles, les célèbres et les anonymes qui firent ce pays ont été anéanties… La mémoire écrite d’un peuple a été perdue ; certains s’en sont réjouis, estimant que cette table rase pourrait sauver Haïti du poids du passé, de ses fantômes et de ses démons macoutes ; il n’est pas sûr que l’immense tas de papiers qu’est devenue une partie des archives de la nation soit salutaire ; Haïti en plus de tous ses malheurs doit-elle être exclue de l’histoire qui s’écrit ? C’est contre cela qu’une association internationale d’archivistes s’est mobilisée en venant aider leurs collègues ; c’est aussi contre cela que les écrivains haïtiens d’aujourd’hui, à commencer par Frankétienne, se sont mis ces dernières semaines à écrire et à publier collectivement. Ecrire pour refonder.



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