ISSN : 2266-6060

Archivage moral


Paris, juillet 2022.

En ce chaud mois d’été, la porte du réduit abritant la photocopieuse rappelle aux agents du ministère des finances que leurs écrits sont gouvernés par d’autres temporalités que celles directement inscrites dans les échanges d’emails, de notes et de tableaux relatifs à la prévision du prochain budget ou à l’exécution de celui de l’année en cours. Irruption du passé et du futur dans le présent, ces derniers font en effet l’objet d’une campagne d’archivage, supposant, pour celles et ceux ayant participé aux activités de la présidence française de l’Union européenne qui s’achève, de trier leurs documents, de les entreposer dans des boîtes et de les déposer dans une armoire où un archiviste viendra les récupérer et les contrôler.
La publicité de cette campagne, au-delà du bureau concerné et des petites mains qui en assurent la réussite, participe de la conscience diffuse d’une organisation morale du ministère, par laquelle le résultat de leur travail sera lu, non seulement par les générations d’archivistes accompagnant la vie de ce qui deviendra un fonds, mais également par des lecteurs, devant lesquels ils deviennent collectivement redevables. En appréhendant le processus d’archivage comme l’opérateur par excellence d’une conscience morale, nous voilà, de nouveau , sur la piste d’une compréhension non-mentaliste et distribuée de l’État en pensée, qui invite à considérer le rôle actif des écrits dans ce que Durkheim nomme la vie démocratique et qui semble ici éminemment située, contingente et fragile.



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