ISSN : 2266-6060

Welcome to the machine

aerescyborg

Paris, juillet 2010.

Avant d’entrer dans ce bâtiment tu avais déjà entendu beaucoup de choses sur cette organisation : combien elle est mauvaise pour la communauté scientifique française, combien elle est dangereuse pour la recherche innovante et créative, combien elle est contraignante pour l’autonomie des universités… La première chose que tu as vue dans le hall d’entrée était cet écriteau souhaitant la bienvenue de la part de l’AERES. Il n’y avait pas de doute, elle existait bel et bien, et pouvait être polie en certaines occasions. Et ce message de bienvenue en disait plus que ce à quoi on s’attend habituellement. Comme les ethnométhodologues et les pragmatistes te l’ont appris, un acteur collectif n’existe jamais une fois pour toutes. Ta principale tâche était d’explorer en deçà de cet agrégat cohérent. Tu as alors essayé de comprendre les divers éléments et agencements qui permettent son unité dans des situations spécifiques. Après plusieurs mois à assister à divers types de réunions, à mener des entretiens avec différentes personnes, à lire des versions intermédiaires de documents, et même à organiser un séminaire sur l’évaluation de la recherche, le message de bienvenue demeurait intriguant.
Ce n’est que très récemment, plusieurs années après avoir terminé l’enquête de terrain, que ce message a résonné d’une toute autre manière. Après que la ministre de la recherche et l’éducation ait annoncé un changement radical dans la politique d’évaluation de la recherche, un rapport a été commandé pour fournir un panorama des pratiques d’évaluation de la recherche et formuler des propositions quant à l’organisation de la future institution : le “Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur”. Lire ce rapport est une chose. Savoir qu’une des deux coauteures était membre de l’équipe initiale de l’AERES en 2008 en est une autre qui en dit long sur l’inertie du gouvernement. Le message de bienvenue pourrait ainsi augurer une sorte de résurrection. Et pas forcément la meilleure que l’on puisse attendre. L’AERES est morte; vive l’HC/AERES. Change juste le nom et le genre, en passant d’une Agence à un Haut Conseil, et tu seras le témoin (sans modestie aucune) d’un magnifique cyborg si bien dépeint par Donna Haraway.



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