ISSN : 2266-6060

SCOT


Paris, septembre 2018.

Les science and technology studies (STS) sont, depuis près de 50 ans, un espace de discussion interdisciplinaire d’une rare richesse. Les philosophes ont ainsi découvert ce que les concepts comme l’objectivité et la vérité dont ils héritent de l’épistémologie deviennent derrière les murs des laboratoires que parcourent les anthropologues, les historiens des sciences ont attiré l’attention des sociologues des techniques sur les tests et des expérimentations qui se jouent en R&D, tandis que les sociologues des techniques ont appris à leurs collègues qui étudient les sciences que ces dernières co-produisent de manière continue la société. Ensemble, ils ont donc participé à mettre un terme aux approches monolithiques de la Science et de la Technique, à leurs déterminismes ou modèles linéaires implicites, ainsi qu’à la prédominance du genre hagiographique appliqué aux innovateurs et aux savants.
Parmi les contributions qui ont permis aux STS de conserver une posture ouverte vis-à-vis de la sociologie traditionnelle et de rééquilibrer les apports en faveur des technologies, les approches dites SCOT pour social construction of technology nées au début des années 1980 ont été déterminantes. Wiebe E. Bijker et Trevor J. Pinch ont conçu une méthode de description des objets techniques (par exemple le vélocipède) s’appuyant sur les significations qui leur sont données au fil des processus d’innovation par les groupes sociaux (les producteurs, les femmes portant des robes, les coureurs cyclistes, les touristes, etc.). Leur méthode nous invite donc à suivre les formulations successives du problème, les temporalités de l’innovation (irréductibles à celle d’une invention fantasmée) au cours desquelles des solutions sont en conflit et font émerger la flexibilité interprétative des objets techniques, avant d’observer les phases de stabilisation et les mécanismes de clôture à l’issue desquels le problème « disparait » (et souvent est redéfini). Sans ces travaux désormais classiques, nous ne pourrions pas comprendre la construction sociale du vélib parisien ni prendre au sérieux les inscriptions des usagers, furieux, adressées aux mainteneurs et à la société détentrice du marché public. La récente disparition de Trevor J. Pinch est l’occasion de le rappeler et de rendre, entre autres, hommage à la SCOT.



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