ISSN : 2266-6060

Prix

prices
Paris, mars 2016.

Ce repas est étrange. Les adultes s’amusent, mais c’est à peine si l’on entend les enfants. Juste avant le dessert, ils demandent l’autorisation de quitter la table et disparaissent. Plus étonnant encore : on ne les entend pas. Aucun éclat de rire, pas de hurlements, pas la queue du début d’une bagarre. Une fois le repas terminé, nous n’y tenons plus, nous allons discrètement voir dans la chambre où ils sont tous. Nous les trouvons assis par terre avec leurs cartes de jeu : Yu-Gi-Oh, Pokemon, et quel que soit le nom des autres qu’ils ont récolté à l’école. Mais ils ne jouent pas avec elles. Il semblerait plutôt qu’ils les trient et qu’ils collent de petits morceaux de papier sur chaque pile. Nous finissions par comprendre que chacun de ses papiers affiche un prix. Un prix ? Allons, ce sont des enfants. Le plus vieux d’entre eux à onze ans, comment est-ce qu’ils pourraient connaître le prix des choses ? Ce sont sans doute des prix factices, pour jouer aux marchands. Sauf que les enfants ne sont plus ce qu’ils étaient. De nos jours, ils ont les moyens de faire exactement ce que font les grands pour configurer un marcher et fixer des prix. Et en effet, sur les genoux de l’un d’entre eux, un iPad affiche pour chaque carte les résultats de recherche des sites d’eBay et du Bon Coin. Une fois qu’ils ont pris connaissance de ce qu’ils appellent le « vrai prix, » les enfants forment une pile, discutent un peu, et inscrivent sur un papier un prix, généralement bien plus bas que ceux qu’ils ont trouvés en ligne. Le vide greniers est dans deux semaines.



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