ISSN : 2266-6060

Les comptes

Nice, mai 2012.

Les prix sont des choses assez étranges. Dans l’esprit de certains, ils sont supposés cristalliser le résultat d’une rencontre, celle de l’offre et de la demande (deux choses étranges aussi, mais c’est une autre histoire). Le fait que les prix soient affichés de nos jours dans les supermarchés et dans toutes sortes de magasins semble totalement naturel. Mais lorsque ces pratiques sont apparues progressivement, elles ont littéralement changé la face des échanges économiques. L’affichage implique fixité et publicité. Le même prix pour tout le monde. Surtout, il informe un consommateur qui, en retour peut choisir des biens en acteur rationnel. Les prix affichés sont un des plus puissants opérateurs de performation de l’homo œconomicus, celui-là même dont certains sociologues ne cessent de nier l’existence.
Mais si la plupart des prix sont destinés à être vus avant que l’on fasse son choix, avant que l’on achète, le mode d’existence de certains autres est moins évident. Cet énorme nombre par exemple, qui annonce à tous les passants combien a coûté la rénovation du bâtiment est particulièrement intéressant. Il donne à voir une forme de justification. Nous avons mis beaucoup d’argent pour rendre ce lieu meilleur. Et puisque c’est un bâtiment public, cet argent pour la plupart est le votre. « Nous », c’est « nous ».
Ainsi, ce genre d’affichage gigantesque a moins avoir avec les prix qui peuplent les étalages commerciaux qu’avec ceux qui noircissent les livres de comptes. Tout ce qu’il nous reste à faire maintenant, c’est trouver les autres pages et réviser nos tables.



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