ISSN : 2266-6060

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Paris. Octobre 2009.

La pré-adolescence dit-on est une période de l’existence où les jeunes filles se socialisent sous des formes multiples et intenses : elles se constituent une petite bande au collège, elles vont au cinéma, elles échangent des heures par téléphone ou MSN, elles se photographient en groupe, elles organisent des soirées pyjama pour neutraliser la coupure du week-end. Bref, en quelques semaines, l’individuel fond dans le collectif. Rien n’échappe à cette foi infinie en l’amitié. Elles « se ressemblent ». Tout devient partageable à commencer par l’écrit. Elles produisent ainsi des agendas où chaque copine ne manquera pas d’écrire un mot, d’apposer sa signature, formant ainsi de formidables tranches de vie qui deux ans plus tard, les couleurs passées, apparaîtront comme puériles. Lors des vacances scolaires, elles s’écrivent. Envoyer une carte à l’autre est gage d’amitié. En classe, elles ne cessent de s’envoyer des messages sur leur téléphone ou sur des petits bouts de papiers.
Ces pratiques collectives féminines sont extrêmement inventives, c’est leur charme… Ainsi, ici, deux jeunes filles partageant un même lit et lisent à deux un livre. Pourquoi en effet individualiser le plaisir de lire ? Le codex n’offre-t-il pas cette possibilité ? Plutôt que de lire la même page et risquer de devoir attendre l’autre, elles lisent ce roman comme un livre double en pliant l’ouvrage. Evidemment, ce dispositif implique qu’une des deux lectrices soit plus avancée dans la lecture. Mais à la différence du partage du journal qui consiste à défaire l’ordre et l’objet même (combien de fois n’a-t-on pas crié « rends moi la page 12 ! »), ici la lecture individuelle devient une activité partageable, non conflictuelle et collective. Petit miracle du livre.



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