ISSN : 2266-6060

Rituel capital


Paris, octobre 2017.

À la différence des tombes de nos aïeux spécialement fleuries à la Toussaint, celles des célébrités s’édifient tout au long de l’année en observatoire de la religion des modernes et du culte de l’individu. Cadavres de bouteille et paquets de cigarettes jonchant la tombe de Jim Morrison au Père Lachaise, mots d’amour enflammés et baisers réchauffant le mausolée de Dalida à Montmartre témoignent de la quotidienneté et de l’emprise individuelle de cette effervescence collective, souvent considérée avec légèreté par nos sociétés dites sécularisées.
Moins célèbres mais non moins intrigantes, certaines tombes, dont celle du sociologue Pierre Bourdieu et de son épouse, attirent un empilement de petits morceaux de papier recouverts d’un caillou. Un guide du Père Lachaise me glisse qu’il s’agit là d’un rituel satanique par lequel les visiteurs viennent réclamer le soutien du défunt ; l’empilement attestant du pouvoir attribué au mort. Si réclamer du soutien consiste à fouiller ses poches et déposer un morceau de papier, le plus souvent un ticket de métro oblitéré comme preuve du déplacement, après avoir vu passer des camaïeux de jaune, vert, violet et du blanc, je me demande ce qu’il reste dans nos poches à l’heure de la progressive suppression du ticket de métro. Sans doute nos tickets de caisse. Au-delà du rituel, ces registres ordinaires des échanges marchands réjouiraient peut-être l’auteur de La Distinction qui pourrait alors rester informé des goûts et styles de vie des contemporains.



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