ISSN : 2266-6060

Faire des plans situés

situatedplans

Roanne, juin 2013.

Au début, l’idée même était encore improbable. Puis, l’envie de tout reconstruire s’est peu à peu dessinée comme un horizon possible. Elle est même devenue souhaitable, voire nécessaire. Les esquisses se sont alors succédées, jetées rapidement les unes après les autres sur un bout de feuille. Peu de temps après le crayon et la gomme ont vu arriver une règle, l’inscription de cotes, et un stylo noir pour figer les premières hésitations. Ces ébauches ont progressivement laissé la place à un véritable plan : le salon ici, des chambres en haut, la cuisine face à la baie vitrée… Puis un deuxième plan avec une extension, puis un troisième avec la possibilité d’une piscine. Chacun affinait le précédent et testait une nouvelle option rendue possible par la discussion face à cette future maison de papier. Chacun prenait aussi en compte des exigences du droit à la construction qui n’étaient pas encore complètement identifiées : une hauteur limite pour le toit en bordure de propriété, l’obligation de faire ceci ou de ne pas faire cela…
Avec la huitième mouture, le schéma directeur était complètement stabilisé. Le dessin du plan finalisé est alors venu prendre place au sein d’un dossier. Sa longue constitution était finalement courte par rapport à l’attente déclenchée par son dépôt en mairie. Une fois le projet accepté, ce plan stabilisé ne donnait pas seulement forme à la construction sur le papier. Il était devenu le principal guide des opérations : référence indispensable pour se projeter dans chaque étape suivante, prescription relayant les exigence juridiques, repère pour prendre des mesures, objet de négociation auprès des différents fournisseurs de matériaux, appui pour se remémorer et vérifier tel ou tel aspect.
Malgré son omniprésence et la plasticité de son statut selon les situations, ce plan n’était pourtant pas tout-puissant. On s’en doute, les actions situées des divers corps de métiers ont fait jouer le plan, elles ont effectué quelques déplacements vis-à-vis des prescriptions initiales, elles ont introduit du jeu entre ce que dit le plan et ce que fait le travail aux matériaux, aux mesures, aux projections de départ et… finalement à l’assemblage sociomatériel qui porte la nouvelle maison à existence. Face à ces variations parfois infimes, le plan n’est pas demeuré immuable et inerte. Il s’est lui aussi sensiblement transformé au fil des activités. Il s’est complété d’innombrables marques qui scandent les différentes modifications apportées et qui pointent vers les multiples scripteurs engagés dans la construction de cette bâtisse.



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