ISSN : 2266-6060

Écrans

Clamart, juin 2011.

Une grande part des discours critiques à propos des nouvelles technologies dénoncent leur impact négatif sur ce qui est présenté comme notre véritable vie sociale. Les e-mails, les blogs et maintenant Facebook ou Twitter sont tous des outils maléfiques qui mettent en danger nos relations : ils font disparaître notre sociabilité et renforcent incroyablement l’anomie. Depuis l’arrivée de la télévision, les écrans sont pour beaucoup là-dedans. Rendez-vous compte : nous pouvons maintenant passer une journée entière sans quitter notre chaise, les yeux rivés à l’écran de nos ordinateurs. Nous faisons même des live-tweet de programmes télé. Une fois dehors, dans le métro, dans la rue et même — quelle honte — pendant un spectacle, nous ne pouvons détacher nos yeux de l’écran de nos stupides smartphones. Tout seuls. Ce réseau d’écrans à travers le monde est en train de fabriquer une nouvelle société composée d’individus solitaires et forcément égoïstes, qui regardent et lisent des trucs toute la sainte journée. Dans ce portrait, les jeux vidéos sont, bien entendu, les pires. Rappelez-vous ce garçon japonais qui est mort de faim, incapable de s’arrêter de jouer à je ne sais quelle plate-forme multi-joueurs de jeu de rôle en ligne. Ou de cette mère qui a oublié de nourrir son enfant.
Oui, peut-être. Mais, à de nombreux égards, ce genre de discours est problématique. D’abord parce qu’il fait comme si ces outils n’étaient pas utilisés pour entrer en contact avec d’autres personnes, pour explorer de nouvelles amitiés ou pour faire de petits gestes communicationnels qui renforcent notre présence. Mais aussi parce qu’il ne s’appuie sur aucune étude empirique. Il compose en fait le reflet d’usages fantasmés. Songez à la manière dont vous utilisez effectivement vos écrans de téléphone ou d’ordinateur. Regardez ces enfants dans la cour d’école : comme ils participent à un simple jeu sur Nitendo DS. Regardant l’écran ensemble, bavardant, donnant leur appréciation sur le score, sur le dernier mouvement, se moquant les uns des autres. Les écrans ne sont pas toujours regardés par des personnes seules. Leur ontologie n’a rien à voir avec l’émergence inévitable d’un monde de zombies sociopathes.



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