ISSN : 2266-6060

Concurrence

Marseille, avril 2019

Les parties communes de l’immeuble sont d’habitude froides, utilitaires, vides : elles ne sont faites que pour passer et évitent sciemment toute forme de personnalisation. Et puis, un jour, des petits stickers noirs, marrons, rouges et blancs se sont nichés dans les endroits les plus improbables : sous les serrures des portes, dans l’ascenseur et enfin, à chaque étage, près du bouton d’appel. Et bientôt, de nouveaux apparurent, recouvrant les premiers avant d’être à leur tour remplacés dans la conquête de cet espace spécifique d’attention.
La concurrence dans cette écologie publicitaire illégale est d’autant plus forte qu’elle est minuscule. De grands stickers ou affiches seraient immédiatement retirés par les habitants ou le syndic de l’immeuble, alors que la petite taille leur offre un temps moyen de survie plus long. Et ce d’autant plus qu’ils sont particulièrement bien collants, d’où une stratégie de recouvrement et d’opacification, plutôt que d’arrachage, de la part des mystérieux colleurs.
Combien faudrait-il de stickers pour qu’un jour un habitant ayant oublié ses clefs fasse appel à de tels services ? Pris dans l’urgence de l’instant, fera-t-il confiance à ces « serruriers » si habiles à ouvrir les portes des immeubles et à envahir l’espace quasi-domestique ? C’est le pari de ce spam physique, à condition bien sûr que, le jour venu, ce soit leur numéro plutôt que celui des concurrents qui soit bien visible sur la porte.



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