ISSN : 2266-6060

11-M

L’invité du vendredi : Gérôme Truc

Madrid, 11 mars 2009.

Il y a tout juste six ans, le 11 mars 2004, avaient lieu à Madrid les attentats les plus meurtriers de l’histoire de l’Espagne et de l’Europe. En réaction, des millions de personnes sortirent dans les rues espagnoles et des milliers d’autres leur firent écho dans les principales villes européennes. L’expression de cette émotion collective prit comme épicentre la gare d’Atocha, envahie pendant plusieurs mois par des milliers de bougies, de fleurs, d’objets divers et de messages en tout genre : graffitis, feuilles collées sur les murs, posées sur le sol, etc.

Puis tout cet amas fut retiré de la gare et un dispositif mis en place pour canaliser ces « pulsions scripturales » : deux bornes informatiques permettant d’enregistrer son message en souvenir du « 11-M » sur un site internet spécifiquement dédié. Jusqu’en décembre 2007, date à laquelle ce site a été fermé, plus de 110 000 messages y furent enregistrés. Parallèlement, dans la gare d’Atocha, tous les graffitis furent effacés et des consignes strictes appliquées pour éviter, à chaque date anniversaire des attentats, une résurgence de l’envahissement de la gare par des formes matérielles d’expression des émotions. C’est ainsi qu’au fil des années, le nombre de messages et d’objets apportés à Atocha, chaque 11 mars, en mémoire des victimes est allé déclinant.

Jusqu’à ce 11 mars 2009 au soir, où il ne restait plus que six bougies posées à l’entrée de la gare, un ruban noir imprimé sur une feuille scotchée à une fenêtre et ce message interpellant le passant : « Je pourrais demander milles choses, mais je n’en demanderai qu’une : NE LES OUBLIE PAS ! CELA AURAIT PU ÊTRE TOI ! ». Il est difficile de savoir quelle est la part du dispositif et des consignes mis en place à Atocha et quelle est celle du simple « poids des ans » dans cette érosion. Combien de temps dure l’émotion collective, aussi vive soit-elle ? Où commence le véritable oubli ?



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